Vapeur d’eau dans le Pacifique Sud :

Troposphère et stratosphère

 

Ce projet est en cours d'élaboration et repose sur une collaboration entre le Laboratoire d'Aérologie de Toulouse (Philippe Ricaud), le laboratoire GEPASUD et l'antenne de Polynésie française de Météo France.

Contenu

· Dans la stratosphère

· Dans la troposphère

· Instrumentations en Polynésie française

· Mesure de la vapeur d'eau en Polynésie française

 

· Dans la stratosphère

La composition chimique de l’atmosphère terrestre évolue très rapidement, un des facteurs étant induit par les activités anthropiques. La vapeur d’eau est un élément clé dans la moyenne atmosphère. Elle est impliquée dans le bilan radiatif de la Terre (c’est le principal gaz à effet de serre absorbant dans l’infrarouge) et elle joue un rôle capital dans plusieurs réactions chimiques (destruction de l’ozone, formation de nuages stratosphériques). Grâce à sa durée de vie relativement longue (un mois), elle peut aussi être utilisée comme traceur de la dynamique de la moyenne atmosphère. La tendance de la concentration en vapeur d’eau actuellement mesurée dans la stratosphère n’est pas complètement expliquée, ni par la photo-dissociation du méthane, ni par l’injection directe troposphérique dans les tropiques. L’évolution temporelle de la vapeur d’eau dans la stratosphère est donc actuellement un sujet de discussion. A partir des mesures spatiales de HALOE sur la plate-forme UARS de 1991 à 2005, l’évolution de H2O aux échelles globale et tropicale montre effectivement une tendance linéaire positive de 1991 à 1998 (Figure 1). Par contre, depuis l’an 2000, la quantité de H2O a plutôt tendance à se stabiliser voire à diminuer selon les niveaux d’altitude dans la stratosphère. Les processus mis en avant à l’heure actuelle pour expliquer cette inversion de tendance restent encore débattus.

 

Figure 1. Tendance de la vapeur d’eau stratosphérique mesurée par UARS/HALOE dans la stratosphère globalement de 90°S à 90°N (gauche) et dans la bande tropicale de 30°S à 10°S (droite).

· Dans la troposphère

L'humidité est intimement liée aux processus dynamiques de la troposphère comme la convection, l'activité électrique et évidemment les précipitations. La forte variabilité temporelle et spatiale de la vapeur d'eau rend son observation difficile et coûteuse. Pourtant, la prédiction quantitative des précipitations nécessitent une connaissance précise du champ de vapeur d’eau. Elle représente un challenge majeur pour la communauté scientifique et aussi pour la société civile au sens large. En effet, les inondations et, à moindre effet la foudre, sont des risques naturels fréquents et relativement destructeurs. La perspective d'améliorer la prévision météorologique des fortes précipitations est à l'origine d'un grand nombre d'études sur le développement de la mesure de la quantité de vapeur d'eau.

Bien que variée et performante, la mesure de ce paramètre n'est pas entièrement satisfaisante et présente encore des limites. Les hygromètres au sol ou en altitude (radiosondage) sont précis et constituent généralement une référence pour la validation d'autres instruments, mais n'offrent une résolution spatiale que très limitée. Le radiosondage apporte une information sur la distribution verticale de l'humidité mais son coût est très élevé. Les satellites, en mesurant le rayonnement émis par la Terre, peuvent restituer le contenu intégré en de vapeur d'eau (CIVE) entre le sol et le satellite. Avec une résolution kilométrique elle permet d'imager les structures atmosphériques mésoéchelles.  Mais la difficulté à modéliser l'émissivité des nuages fait que la mesure au travers et sous les nuages est très peu précise. Le LIDAR ou les radiomètres ont une bonne résolution verticale mais, outre leur coût important, ils n'autorisent pas de mesures pendant les précipitations ou au-dessus des nuages.

En revanche, l'utilisation des signaux GPS semble pouvoir combler les "faiblesses" de l'instrumentation sus-décrite. Il est en effet possible de retrouver en pseudo-temps réel le contenu intégré de vapeur d'eau à partir des délais subits par les signaux GPS dans la troposphère. Ces délais sont dus à une modification de la trajectoire et de la vitesse des rayonnements. Les avantages de ce type de mesure sont la continuité temporelle indépendante des conditions météorologiques avec un échantillonnage inférieur à l'heure et le faible coût d'acquisition et de maintenance des stations GPS. Mais la faiblesse majeure de la mesure GPS réside dans l'impossibilité de retrouver la distribution verticale de la vapeur d'eau. Des techniques tomographiques sont utilisées pour palier à ce problème et pour mieux appréhender l'indice de réfraction troposphérique en trois dimensions (Dudic et al 2003,  Champollion 2005, Figure 2). La densité au sol de récepteur GPS doit alors être importantes, de l'ordre de quelque dizaines de kilomètres entre chaque stations.

 

 

 

Figure 2 : Gauche : Corrections GPS de troposphère sèche et humide. La correction humide, si elle présente des systématismes temporels et spatiaux, peut empêcher la détermination des vitesses verticales au niveau submillimétrique. C’est souvent le cas, en particulier en domaine insulaire et tropical. Droite : Tomographie troposphérique : l’atmosphère est découpée en 11 couches d’1 km d’épaisseur. L’atmosphère est ainsi divisée en 396 cubes de résolution 1°(longitude)x 1°(latitude)x1km (altitude). D'aprés Ducic et al 2003

· Instrumentations en Polynésie française

En Polynésie française (grâce à une réponse positive d’une demande de financement à l’ANR), le laboratoire GEPASUD développe un réseau de marégraphes équipés de GPS (Figure 3). Sur l'ensemble du Territoire de la PF, la densité est bien trop faible pour espérer une résolution verticale, mais des contenus intégrés en de vapeur d'eau pourront être déduits au niveau de 5 îles. D'autre part, Météo France procède à un lâcher quotidien de 5 radiosondes sur tout le Territoire de PF et d'un lâcher bi-quotidien, à Tahiti. Le lieu des GPS et de ces radiosondages coïncide à trois endroits. Une validation des CIVE sera alors possible grâce à la collaboration active de Météo France. En revanche sur l'île de Tahiti, deux GPS sont en déjà fonctionnement depuis plusieurs années et un ou deux supplémentaires pourraient être installés. Cette disposition rapprochée des deux ou quatre GPS permettra l'utilisation de méthodes tomographiques pour évaluer le profil vertical d'humidité dans la troposphère. Cette étude constituerait un parfait complément au projet proposé par le Laboratoire GEPASUD (anciennement Terre-Océan) de l'UPF qui envisage d'étudier les problèmes inhérents à la propagation des signaux électromagnétiques dans l'atmosphère et en particulier à l'effet de la vapeur d'eau sur la propagation des signaux GPS-GALILEO. Une étude dans le cadre d'un stage post-doctorale est en cours sur le traitement des données du GPS du laboratoire GEPASUD acquises sur une période de huit ans.

 

L'acquisition d'un radiomètre troposphérique a fait l'objet d'une demande du laboratoire GEPASUD dans le cadre du financement du plan quadriennal de l'Université. De son côté, le Laboratoire d'Aérologie conduit deux projets de développement de radiomètres micro-ondes. Le premier vise à implanter un radiomètre H2O stratosphérique sur le site du Maïdo (Réunion, 2000 m d’altitude), l’autre à implanter un radiomètre H2O troposphérique et un radiomètre H2O stratosphérique sur le site du Dôme C (Antarctique). Il existe aussi un radiomètre H2O stratosphérique mobile actuellement en cours d’amélioration au LA (bourse BDI d’Erwan Motte).

 

Figure 3 : distribution des stations GPS de l'UPF et des radiosondages de Météo France.

· Mesure de la vapeur d'eau en Polynésie française

Les radiomètres micro-ondes sont généralement localisés dans des pays industrialisés, donc dans l’hémisphère nord. Compte tenu de l'équipement déjà en place,  de sa position singulière au centre de l’Océan Pacifique tropical et des phénomènes climatiques particulièrement violents qui s'y développent, la Polynésie française et, en particulier l’Ile de Tahiti, pourrait servir de base pour mener des campagnes de mesures de la quantité de vapeur d'eau dans la stratosphère et dans la troposphère. Les objectifs seraient multiples. Tout d'abord, on peut espérer apporter une contribution au développement des méthodes d'analyse du délais troposphérique que subissent les signaux GPS. Au niveau de la troposphère, la prévision à court terme nécessite en effet une connaissance précise du champ de vapeur d'eau. L'antenne de Météo France en Polynésie française expérimente actuellement le modèle de Prévision Numérique ALADIN (Aire Limitée, Adaptation dynamique, Développement InterNational) qui est un modèle à domaine limité et à maille fine pour réaliser ses propres prévisions. L'assimilation des données GPS dans ce type de modèle de prévision numériques permettrait d'améliorer la prédiction quantitative des précipitations et de l'activité électrique. Enfin, la prévision climatique a également recours à des modèles qui reproduisent la chimie atmosphérique à grande échelle, à court et à long termes. Météo France a développé un modèle de chimie de l'atmosphère, Mocage (MOdèle de Chimie Atmosphérique de Grande Echelle). On montre à partir des analyses du Centre Européen et/ou des sorties de MOCAGE les variabilités interannuelle et saisonnière de H2O à la fois dans la troposphère et dans la stratosphère grâce à des comparaisons avec les mesures de l’instrument Microwave Limb Sounder (MLS) sur le satellite Aura (Figure 4). Le « tape recorder effect » stratosphérique est bien détecté dans les mesures de MLS alors qu’il est absent dans les champs de MOCAGE. Si les quantités intégrées de vapeur d’eau troposphérique peuvent être déduites des mesures GPS et validées par les mesures d'un radiomètre H2O troposphérique et les radiosondages de Météo-France effectués permettrait de quantifier les biais et les dérives des instruments ou du modèle.

 

Cette étude constituerait un parfait complément au projet proposé par le Laboratoire GEPASUD (anciennement Terre-Océan) de l'UPF qui envisage d'étudier les problèmes inhérents à la propagation des signaux électromagnétiques dans l'atmosphère et en particulier à l'effet de la vapeur d'eau sur la propagation des signaux GPS-GALILEO. En effet, puisque l'atmosphère neutre provoque des délais dans la réception des signaux GPS, le réseau local de stations permanentes permet de modéliser en temps réel la distribution spatio-temporelle de la vapeur d'eau atmosphérique en utilisant des méthodes tomographiques, telles que celle du projet canadien GEOIDE (ou les projets français : réseau RENAG, modèles ALADIN et AROME, campagne ESCOMPTE).

 

Figure 4 : Gauche : Anomalie de la vapeur d’eau stratosphérique au-dessus de Tahiti calculée par MOCAGE (haut) et mesurée par MLS (bas). Droite : Anomalie de la vapeur d’eau troposphérique provenant du centre européen.

 

 

Références
Champollion C. Quantification de la vapeur d'eau troposphérique par GPS (modèles 2D et tomographiques 3D) – Applications aux precipitations intenses, Thèse de doctorat, Université Montpellier II (2005)
Dowden R.L., Brndel J.B. and Rodger C.J., "VLF lightning location by time of group arrival (TOGA) at multiple sites", Journal of atmosphericand Solar-Terrestrial Physics, Vol. 64, pp. 817-830 (2002)
Ducic V., Lognonné P., Murakami M. and Klapisz C. Tomography of the troposphere using dense GPS networks, IUGG, Sapporo Japan, (2003)
Laurent V., Maamaatuaiahutapu K., Maiau J., Varney P.. Atlas climatologique de la Polynesie Française. Météo France, book, 201p (2004)
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Ricaud, P., B. Barret, J.-L. Attié, E. Le Flochmoën, E. Motte, H. Teyssèdre, V.-H. Peuch, N. Livesey, A. Lambert, and J.-P. Pommereau, Impact of land convection on troposphere-stratosphere exchange in the tropics, Atmos. Chem. Phys, in press, 2007.
Teyssèdre, H., M. Michou, H. L. Clark, B. Josse, F. Karcher, D. Olivié, V.-H. Peuch, D. Saint-Martin, D. Cariolle, J.-L. Attié, P. Ricaud, R. J. Van der A and F. Chéroux, A new chemistry-climate tropospheric and stratospheric model MOCAGE-Climat: evaluation of the present-day climatology and sensitivity to surface processes, Atmos. Chem. Phys., in press, 2007.
Vincent D.G. The South Pacific Convergence Zone (SPCZ): a review, Monthly Weather Review, 122(9), pp1949-1970 (1994)